Par Marion Ruggieri Qu’est-ce que ça peut bien faire d’être blonde ? Cette question, n’importe quelle brune normalement constituée se la pose au moins une fois par mois. En achetant son shampooing Brillant Brunette et en louchant sur le Sheer Blonde. En déjeunant avec sa copine Blondie, que tout le monde regarde quand elle entre dans le restaurant. En feuilletant ELLE et en découvrant le nouveau « jaune » de Kate Moss… Bref, quand on m’a proposé de passer platine, j’ai dit oui. Sur un coup de tête. ACTE I « Qu’est-ce que ça peut bien faire d’être blonde ? » Mon fiancé n’est pas pour, donc. A la rédaction, les avis sont partagés et les réactions violentes : « ça va être rigolo » (les garçons), « ca va être immonde » (les filles). Edouart dit : « tu vas voir, tous les mecs vont te mater ». Comme si ça n’avait jamais été le cas.Et une spécialiste me prévient que ça va vraiment me « cramer les cheveux ». Quant à ma mère, elle pense que cela peut constituer un premier pas vers la mise en plis et donc la dignité.… ACTE II Ce sera donc la perruque. Rendez-vous est pris chez Massato, coiffeur japonais célèbre dans le monde entier. … La perruque choisie, Massato me l’enfile en commençant par le front. Je ferme les yeux, j’ouvre et là, c’est le choc : Brice de Nice ! Massato me coupe les cheveux comme s’ils étaient vrais. Et au bout d’une heure, Brice de Nice se transforme en androïde de « Blade Runner ». Est-ce vraiment mieux ? Effectivement, tout dépend de ma carnation. Si je suis pâle, au bord de l’évanouissement, ou que j’aie froid, ça va. Si je rigole, ou que j’aie chaud, bref, si je rougis, ma couleur vire comme un mauvais parfum. Devant ma glace, je suis captivée par ce blond fragile, translucide, qui fait les yeux dorés. Je comprends qu’on ait préféré représenter Jésus en blond cendré. Pragmatique, Massato me conseille : « Il faut la porter comme un chapeau ». OK. ACTE III Je rase les murs. C’est dur. Au resto, ma mère trouve ca « super ». Mon beau-père trouve que je ressemble à ma mère. Et mon fiancé à une tête de gastro : « c’est contre moi que t’as fait ça ? »… Le lendemain, à la rédaction, le monsieur du courrier, qui ne m’a jamais regardé en dix ans de maison, s’arrête net : « je croyais qu’il y avait une nouvelle ». Mes copines veulent toutes m’arracher ma perruque pour l’essayer (« Alors, c’est vrai ce qu’on dit ? »). Ma copine platine, arrivée en retard, ne remarque rien : « j’ai cru que tu vais un chapeau ». Elle m’explique que je suis trop moi, trop brune, qu’être blonde, c’est aussi une manière de s’habiller, de se maquiller, de se comporter. Bref, c’est du travail. ACTE IV Je mets un tailleur noir, un collant, des talons, ce qui ne correspond pas tant au cliché que je me fais de la blonde qu’à l’exact opposé de mon look. J’ai l’air d’une pute. J’en profite pour sortir le chien. Problème : mon chien ne me reconnaît pas, il aboie. Dns la rue, j’ai l’impression de me balader avec une ampoule allumée sur la tête. Tout le monde me regarde. Chez les hommes, c’est un rapide coup d’œil en biais, discret. Chez les femmes, c’est carrément un arrêt, quand elles ne se dévissent pas la tête. Surtout les blondes. On me sourit. On me parle canin (« comment s’appelle-t-il ? Attila ? Ah, c’est une fille ! »). On se retourne. Un monsieur veut me photographier. Un autre change de trottoir comme si j’étais le Mal incarné. C’est violent, cette familiarité, mais il y a de la bienveillance, aussi. Comme si j’étais trop fragile pou affronter le mauvais temps. A la pompe à essence, je double la queue pour acheter des chewing-gums. Et tout le monde à l’air de trouver ça normal. Sauf les blondes. ACTE V A la fin de la journée, je rentre chez moi, épuisée par cette brève surexposition. En fait, être blonde, c’est comme être un people.